« Instaurons la parité sociale en politique » : notre tribune dans Libération

17/12/24

Retrouvez une tribune publiée dans le journal Libération : « SOS Démocratie : «Instaurons la parité sociale en politique» : la proposition de Taoufik Vallipuram, entrepreneur social » ici

Un tiers des français.es qui saute occasionnellement ou régulièrement des repas. 7 ans d’écart d’espérance de vie entre les ouvrier·es et les hommes cadres. 6 français·es sur 10 ont déjà renoncé à un soin médical lors des 5 dernières années.

En 2024, les classes populaires françaises subissent toujours plus dans leur chair les décisions politiques. Pourtant, elles s’éloignent de plus en plus du vote, considérant que leur pouvoir sur les décisions publiques n’est pas réel. L’état de la représentation politique leur donne raison.

L’Assemblée Nationale, qui est le miroir grossissant de l’éviction des classes populaires de la vie politique, compte 5% de député·es issu·es des classes populaires (pour environ 50% de la population active), quand les cadres et professions intellectuelles comptent 80% des député·es (pour 20% de la population active). Cela n’a pas toujours été le cas. En 1945, il y avait 65 ouvrier·es député·es, contre 6 en 2024.

Dans ces conditions, comment les classes populaires – des subalternes économiques qui subissent des règles édictées par d’autres, au travail comme en politique – peuvent-elles défendre leurs intérêts ? Sans représentation politique, comment notre démocratie peut-elle faire avancer leurs droits ?

Loin des discours sur l’autocensure ou le manque de compétences des représentant·es politiques issu·es des mondes populaires, leur quasi-disparition s’explique par un plafond de verre constant, l’isolement des militant·es, des discours stigmatisant et d’assignation sociale, ou encore les accusations en opportunisme ou en incompétence, qui ne sont que le miroir de la concentration du pouvoir, de la déconnexion des élu.es et des partis politiques, des parachutages entre ami·es, de l’importance des fameux “codes” ou tout simplement des inégalités d’accès aux financements.

Pour stopper le cercle vicieux de l’élitisation de la vie politique, qui va de pair avec l’éviction politique des classes populaires, nous défendons la parité sociale en politique. Elle est la conviction que chaque citoyen·ne, quel que soit son métier, son niveau de diplôme, sa situation familiale, peut exercer un mandat électif, et représenter ses pair·es. Nous suivons en cela le chemin de la parité de genre en politique, qui a permis, notamment grâce aux quotas, l’irruption des femmes à l’Assemblée Nationale. Malgré cette victoire, la féminisation de la vie politique n’a pourtant pas (encore) fait vaciller le patriarcat, ni suffisamment réduit les violences sexuelles et sexistes dans la société française ni en politique.

La parité sociale doit être pensée comme le résultat d’un fonctionnement sain de notre système politique : une démocratie vraiment représentative. Viser la parité sociale nécessite d’acter que les dynamiques de pouvoir et de domination entre les classes sociales structurent plus que jamais le système politique. C’est l’étape préalable pour construire une représentation à l’image des français·es et que celle-ci devienne un puissant levier de transformation sociale. A l’image de la sécurité sociale et des droits sociaux conquis après-guerre, de nouvelles conquêtes pourraient voir le jour. Alors que les partis paient des cabinets de conseils et instituts de sondage pour chercher de « nouvelles idées » et des « nouveaux récits », la parité sociale pourrait en être le foyer le plus naturel pour une démocratie digne de ce nom.